DES ROUTES 1987 1995
Toujours la même histoire Un beau matin , vous lisez dans le journal , un avis de recherche. Un homme a disparu. Peut être que tout à coup, le spectacle de la réalité a pris pour lui, l'aspect ridicule d 'un décor de série Z . Peut être a t'il loué, cent fois trop chère, une vieille Ford déglinguée. Il est parti. Avec une carte bancaire, quelques vêtements, des cartes routières , plusieurs cassettes de "Ten Years After" et un Polaroid. Car cet homme aime la photographie , il l'aime pour une seule raison pour être fier des autres. Il est comme ça. Sa tendresse pour les gens et les choses est illimitée. Toujours la même histoire , d' une étonnante simplicité. Il songe à tout ce qu'il devait faire, à tout ce qu'il avait promis. Tant pis. Quand on part ainsi, à l'improviste , tout doit aller très vite , d'une façon presque effrayante. Surtout ne pas ressentir le poids d'une contrainte , d'un remords. A peine savoir ce qu'on fait . Se dire à défaut de liberté , je me nourrirais de nouveaux territoires . C'est parti. tout est allé très vite , mais sans excès, sans faux mouvement. Le voyage est un art , c'est à dire qu'il est soumis au génie. Maintenant des routes. Comme s'il en pleuvait. Des routes qui tiennent en laisse le paysage. Des routes comme les pattes d'un insecte monstrueux. Des routes enneigées sur lesquels il faut conduire lentement. Des routes plates, lisses, certaines. Et des routes qui mettent au monde de braves criminels, des maris volages, des douleurs fabuleuses. Des Rives. Et des aires de services. Et puis une route que l'on ai forcé de suivre pour une raison mystérieuse. Comme un pacte tacite qui lierai le voyageur au bitume. Ce qui est terrible c'est qu'à ce moment là, ce qui importe ce n'est pas plus de se rendre dans un autre lieu, c'est de rouler. "Encore 200 kilomètres , et je pourrai m' arrêter, ou je serai perdu! " Le jeu est insensé ... Plus loin un obscur village , prés d'une frontière . Des gyrophares, une voiture de police, une ambulance, un panneau: RALENTIR-ACCIDENT. Ça et là, des corps . Toujours la même mauvaise histoire. Décor de série Z. Le visage blêmît. L' homme murmure pour lui même des "eh bien... eh bien..." bête comme le sourire d'un type qui regarde par un trou de serrure. L'appareil est à la portée de la main, mais l' homme se refuse à photographier ça: la camarade au travail. Il pense à ses parents qui lui ont jeté un sort quand, jadis, il l'on mis à la porte: Tu finiras comme une pierre. Alain Bouvier 1994